Les règles sur les pratiques commerciales déloyales ne s'appliquent pas à l'achat d'un bien auprès d'un consommateur par une entreprise, sauf si cet achat est intrinsèquement lié à un service destiné au consommateur
Dans son arrêt du 5 décembre 2024, la Cour de Justice[1] a examiné si la Directive sur les pratiques commerciales déloyales s'appliquait à la publicité d'une entreprise spécialisée dans l'évaluation et l'achat d'or auprès des consommateurs. Elle a conclu que l'achat de biens par une entreprise ne relève pas, en principe, du champ d'application de la Directive. Toutefois, lorsque cet achat est étroitement lié au service d'évaluation fourni au consommateur, les deux opérations doivent être considérées comme une pratique commerciale conjointe relevant de la Directive.
La société « Guldbrev » est active dans l'évaluation et l'achat d'or en ligne auprès des consommateurs. Le médiateur suédois des consommateurs accusait Guldbrev de recourir à une publicité déloyale en violation de la Directive sur les pratiques commerciales déloyales2 et a ainsi demandé au tribunal suédois d'interdire cette pratique. De son côté, Guldbrev a fait valoir que ses activités, consistant en l'évaluation et l'achat d'or, ne relevaient pas du champ d’application de cette Directive et qu’elle n'était donc pas soumise aux règles en matière de la publicité déloyale.
La Directive sur les pratiques commerciales déloyales vise à protéger les consommateurs contre les pratiques commerciales déloyales des entreprises avant, pendant et après une transaction commerciale portant sur un « produit » (défini comme « tout bien ou service, y compris les biens immobiliers, les droits et les obligations »). Classiquement, il s'agit de la fourniture de services ou la vente de biens aux consommateurs. La question soulevée était donc la suivante : un service d'évaluation et l'achat ultérieur d'or peuvent-ils (ensemble) être considérés comme un « produit » au sens de la Directive ? Le tribunal suédois a renvoyé la question à la Cour de Justice1.
Dans cet arrêt, La Cour précise qu’une « pratique commerciale à l’égard des consommateurs » doit être directement liée à la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit. Dans ce cadre, l’évaluation de l’or constitue un service rendu aux consommateurs et, à ce titre, un « produit » selon la Directive. Toutefois, la vente d'or par un consommateur à une entreprise ne relève pas, en principe, de son champ d'application. Ce n'est que lorsque le service d'évaluation et l'achat de l'or sont indissociablement liés dans une offre unique que cette combinaison constitue une pratique commerciale au sens de la directive et qu'elle est donc soumise aux règles relatives aux pratiques (publicitaires) déloyales.
Tel était le cas selon la CJUE. En effet, Guldbrev n'était disposé à acheter l'or que si le consommateur acceptait le service d'évaluation préalable et le prix ainsi fixé. Ainsi, l'achat et l'évaluation forment un tout indissociable qui peut être considéré comme un « produit » au sens de la Directive.
En guise de conclusion : les entreprises qui achètent des biens aux consommateurs ne sont en principe pas couvertes par la Directive sur les pratiques commerciales déloyales. Toutefois, lorsqu'un tel achat est indissociable d'un service fourni au consommateur, tel que l'évaluation préalable, la combinaison des deux peut être considérée comme un « produit » au sens de la Directive.
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Directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil, les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil. J.O.U.E., L 149/22, 11 juin 2005.
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Cour de justice 5 décembre 2024, C-379/23, Guldbrev AB contre Konsumentenombudsmannen.