La condamnation d'un concurrent peut être diffusée mais doit rester dans les limites de la bonne foi et de la proportionnalité

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Une fédération professionnelle a signalé dans un e-mail adressé à plus de 2 000 destinataires, qu'un concurrent avait été condamné pour dénigrement et publicité comparative non autorisée. Ainsi, le mailing même devient dénigrant selon le juge des cessations d'Anvers.[1]

En 2024, une compagnie d'assurance a été condamnée pour dénigrement et publicité comparative illicite pour avoir fait des commentaires négatifs au sujet d’une fédération professionnelle du secteur de l'assurance dans un courrier électronique adressé à un client potentiel. 

La demanderesse, une fédération professionnelle, avait demandé au juge des cessations de Bruxelles d'ordonner la publication de cette condamnation  mais cette demande avait été rejetée. La fédération professionnelle a alors décidé d'agir elle-même et de diffuser un e-mail à ses plus de 2 000 membres, annonçant la condamnation de la compagnie d'assurance pour dénigrement. La compagnie d'assurance a alors saisi le Président du tribunal d'entreprise d'Anvers, requérant que la fédération professionnelle soit à son tour condamnée pour diffamation et publicité comparative illicite.

Le Président a précisé que l'absence de mesure de publication accordée par le juge des cessations de Bruxelles n'empêchait pas la fédération professionnelle de publier elle-même le jugement, à condition de le faire dans les limites de la bonne foi et à ses risques. Le Président considéra par contre : « het wereldkundig maken van deze uitspraak aan meer dan tweeduizend leden, terwijl de feiten die aan de basis van deze beslissing lagen maar betrekking hadden op één enkele klant, volstrekt disproportioneel is en hierdoor de grenzen van de goede trouw ver overschrijden. De mail van 22 november 2024 kan dan ook niet anders worden begrepen dan een wraakoefening ten aanzien van een concurrent, en schendt daardoor de eerlijke marktpraktijken. De vordering is in zoverre gegrond. »1 (Traduction libre : « La diffusion de cette décision à plus de deux mille membres, alors que les faits à l'origine de cette décision concernaient un seul client, est totalement disproportionnée et dépasse ainsi largement les limites de la bonne foi. Le courriel du 22 novembre 2024 ne peut donc être interprété autrement que comme une mesure de représailles à l'encontre d'un concurrent, et viole ainsi les pratiques commerciales loyales. La demande est fondée dans cette mesure. »).

En revanche, le Président estime que le courrier électronique de la fédération professionnelle ne constituait pas une publicité comparative illicite, car il se limitait à faire référence à la condamnation (et dénonçait les pratiques de la compagnie d’assurance), mais ne faisait aucune comparaison explicite ou implicite entre les services de la compagnie d'assurance et les siens. 

Bien qu'il ait été établi que la fédération professionnelle avait violé les pratiques honnêtes du marché, le Président n'a pas imposé la cessation de la pratique estimant que l'infraction ne pouvait objectivement être répétée. Le Président a estimé que l'infraction (l'envoi du courrier électronique) était un acte isolé et qu'il n'y avait aucune raison pour que la fédération professionnelle envoie à nouveau le même message.

Le Président a ordonné à la fédération professionnelle de diffuser une rectification, par le biais d'un courrier électronique adressé aux mêmes destinataires, précisant qu'elle était désormais elle-même condamnée pour dénigrement, et en ajoutant le premier jugement en pièce jointe.

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    Prés. Tribunal de l’entreprise d’Anvers, section d’Anvers, 8 janvier 2025, A/24/5705, non publié.