Inscription d'un bien à l'inventaire du patrimoine immobilier de la Région de Bruxelles-Capitale

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Quel impact peut avoir l’inscription d’un bien à l’inventaire du patrimoine immobilier en Région de Bruxelles-Capitale sur votre projet ? Implique-t-elle des mesures particulières ? Est-il interdit de démolir un tel bien ?

Le CoBAT définit plusieurs mesures de protection du patrimoine immobilier. L’inscription sur la liste de sauvegarde et le classement sont les mesures les plus connues et les plus contraignantes, mais il en existe cependant un troisième : l’inscription à l’inventaire du patrimoine immobilier (voyez article 207 du CoBAT).

Cependant, à la différence de l’inscription sur la liste de sauvegarde et du classement, l’inscription à l’inventaire d’un bien n’implique aucune obligation matérielle – telle que l’obligation de maintenir le bien en bon état ou de respecter les conditions particulières de conservation qui auraient éventuellement été prescrites – ni aucune interdiction de le démolir en tout ou en partie.

L’inventaire du patrimoine immobilier est conçu en réalité comme un outil de documentation et de sensibilisation et l’inscription à cet inventaire implique uniquement que la demande de permis se rapportant à un tel bien est soumise à l'avis de la commission de concertation[1] laquelle peut, par ailleurs, demander l’avis de la Commission Royale des Monuments et des Sites (CRMS)[2] sur le projet.

Bien que cet inventaire existait déjà dans le CoBAT adopté en 2004, la forme de l'inventaire et les mentions qui doivent y figurer, ainsi que la procédure relative à l'établissement, à la mise à jour et à la publication de l'inventaire n’ont été définies que le 8 février 2024 dernier par un arrêté du gouvernement bruxellois.

L'inscription à l'inventaire d'un bien relevant du patrimoine immobilier produit ses effets uniquement à dater de la publication, par mention, au Moniteur belge. Une telle publication n’a cependant pas encore eu lieu à ce jour.

Dans l’attente de cette publication, l’article 333 du CoBAT prévoit que tous les monuments et ensembles qui ont fait l'objet d'une autorisation de bâtir ou d'une construction antérieure au 1er janvier 1932 sont considérés comme inscrits d'office dans l'inventaire du patrimoine immobilier de la Région. A ce jour donc, seuls les biens visés par cet article 333 requièrent la consultation de la commission de concertation et, le cas échéant, de la CRMS.

Il importe, par ailleurs, de bien distinguer l’inventaire du patrimoine immobilier visé à l’article 207 du CoBAT de l’inventaire du patrimoine architectural établi par la Région de Bruxelles-Capitale disponible sur internet à l’adresse suivante : (https://monument.heritage.brussels/index.php?lg=fr)[3]. Ce dernier inventaire n’est, en effet, qu’un outil scientifique établi par la Région qui, si on peut lui reconnaître une valeur de référence, est cependant dépourvu de toute effet juridique.

Une inscription dans cet inventaire scientifique n’implique donc pas la consultation de la commission de concertation.

Compte tenu de ce qui précède, quel est alors l’impact de l’inscription à l’inventaire du patrimoine immobilier sur votre projet ? La commission de concertation et, éventuellement, la CRMS seront amenés à rendre un avis sur les interventions que vous prévoyez sur le bien. Il s’agit du seul effet en droit[4].

Cela n’emporte en soi aucune contrainte spécifique sur votre projet. Vous pouvez donc envisager de rénover lourdement votre bien, d’en modifier l’aspect ou même de le démolir. Ces interventions seront bien entendu soumises à l’appréciation de l’autorité délivrante, comme c’est le cas pour tous les projets.

Le gouvernement bruxellois considère cependant – et ce, qu’un bien soit inscrit à l’inventaire du patrimoine immobilier ou non – que les bâtiments existants sont une ressource environnementale importante, le secteur de la construction étant un grand producteur de déchets et de gaz à effet de serre. Par conséquent, le gouvernement tend à privilégier la préservation et la rénovation des bâtiments existants, plutôt que leur démolition.

Le projet de règlement régional d’urbanisme (RRU), baptisé « Good Living », énonce sur ce point que la démolition partielle ou totale d’un bâtiment ne peut être autorisée qu’après un examen du projet basée sur plusieurs critères. Pour apprécier votre projet, l’autorité délivrante tiendrait ainsi compte des caractéristiques architecturales et/ou patrimoniales du bâtiment existant, de la possibilité de préserver le bien dans de bonnes conditions d’habitabilité et/ou de durabilité, de la contribution éventuelle du projet à l’intérêt public, de la cohérence du tissu urbain et, pour les grands projets, de l’analyse du cycle de vie du bien selon qu’il soit démoli ou maintenu.

En d’autres termes, si un porteur de projet souhaite démolir un bien, quelle qu’il soit, mais d’autant plus s’il présente certaines qualités architecturales et/ou patrimoniales, il devra veiller à justifier soigneusement son projet. Quant à l’autorité délivrante, elle devra motiver adéquatement le permis d’urbanisme qu’elle délivre.

En conclusion, l’inscription à l’inventaire du patrimoine immobilier n’implique aucune obligation matérielle sur le bien, ni aucune interdiction de le modifier ou de le démolir. Elle a pour seul conséquence que le projet sera soumis à la consultation de la commission de concertation et, le cas échéant, de la CRMS. Cette inscription rendra cependant l’autorité délivrante plus attentive dans son appréciation du projet, ce qui implique que le demandeur doit bien préparer sa demande de permis sur ce point.

 

[1] Le gouvernement peut prévoir une dispense d’avis de la commission de concertation pour des actes et travaux qui sont de minime importance ou lorsqu’un tel avis ne serait pas pertinent.

[2] Dans ce cas, la CRMS dispose envoie son avis à l'autorité délivrante dans les 30 jours de la réception de la demande d'avis ; à défaut, la procédure est poursuivie sans qu'il ne doive être tenu compte de son avis.

[3] La base de donnée de ce site contient actuellement plus de 40.000 biens répartis sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale.

[4] Dans certains cas, la commission de concertation et la CRMS pourraient être amenées à rendre un avis sur votre projet même si le bien n’est pas inscrit à l’inventaire. Il existe en effet bien d’autres d’hypothèses dans lesquelles la commission de concertation et, dans une moindre mesure, la CRMS sont invitées à émettre un avis sur un projet.